Cancer du sein et prise de poids : quelle relation ?
Dans l’année qui suit un cancer du sein, les femmes prennent en moyenne 2,5 à 4 kg. Comment expliquer cette prise de poids ? Le risque est-il le même pour toutes les femmes ? Est-il bénéfique de maigrir vis-à-vis du cancer ? Réponses à toutes ces questions avec le Dr David Elia*.
- Sommaire
- 1 – Quelle est cette relation entre cancer du sein et prise du poids ?
- 2 – Quelles sont les causes de la prise de poids après un cancer ?
- 3 – Toutes les femmes sont-elles égales face à cette prise de poids ?
- 4 – La prise de poids détériore-t-elle le pronostic du cancer ?
- 5 – Comment expliquer l’influence du poids sur le pronostic du cancer du sein ?
- 6 – Que peut-on faire pour conserver un poids normal ou pour ne pas grossir ?
- 7 – Quelles sont les recommandations actuelles ?
Quelle est cette relation entre cancer du sein et prise du poids ?
Dr David Elia : Il y a de plus en plus de survivantes au cancer et en particulier au cancer du sein. Ce phénomène est lié aux progrès de la médecine et aux traitements de plus en plus performants. En France, près de 50.000 nouveaux cas de cancers du sein sont diagnostiqués annuellement et 75 à 80% des femmes y survivent lors de la première année et reprennent leur vie de toujours. Parmi les problèmes qui se posent après un cancer du sein, figure la prise de poids. En effet, les femmes ayant eu un cancer du sein prennent en moyenne 2,5 à 4 kg en un an, d’autant plus si elles ont suivi une chimiothérapie (1). Chez certaines femmes, cette augmentation du poids peut atteindre jusqu’à 12 kg. On constate par ailleurs que les femmes obèses ont plus souvent de récidives du cancer que les plus minces. La question est de savoir si le fait de maigrir est réellement bénéfique en terme de prévention des récidives du cancer. En effet, si après l’épreuve du cancer, il est nécessaire de se battre pour réguler son poids, il faut vraiment que cela vaille le coup (au-delà du bénéfice cardiovasculaire).
Quelles sont les causes de la prise de poids après un cancer ?
Dr David Elia : La chimiothérapie est un facteur favorisant la prise de poids. Plus précisément, la chimiothérapie tend à augmenter la masse grasse et à baisser légèrement la masse maigre. Le stress et l’angoisse que génèrent le cancer et la prise en charge, peuvent entraîner des modifications du comportement alimentaire et un surpoids. L’âge joue également un rôle car avec le temps le métabolisme de base diminue et les besoins énergétiques avec. C’est ainsi que l’on tend naturellement à prendre du poids avec l’âge, ce qui est particulièrement visible entre 50 et 60 ans. La fatigue et la dépression, quasi inévitables chez les cancéreux, s’accompagnent logiquement d’une baisse de l’activité physique. La ménopause non traitée (le traitement hormonal est contre-indiqué en cas de cancer du sein) et la carence en estrogènes, qui favorise la localisation de la masse grasse sur le ventre et le haut du corps, comme chez les hommes. Et enfin, les thérapies hormonales adjuvantes (les anti-aromatases) qui, administrées durant plusieurs années à l’issue de la chirurgie, de la chimiothérapie et/ou de la radiothérapie, sont à l’origine d’une grande fatigue et de douleurs articulaires non favorables à l’activité physique et propices à la prise de poids.
Toutes les femmes sont-elles égales face à cette prise de poids ?
Dr David Elia : Il semblerait que les femmes ménopausées prennent moins de poids que les femmes plus jeunes. Une étude montre à titre d’exemple que les femmes pré-ménopausées au moment du diagnostic de cancer du sein ont tendance à prendre 2 kg en moyenne, contre 1,3 kg lorsqu’elles sont dans leur première année de ménopause, voire pas du tout lorsqu’elles sont ménopausées depuis de nombreuses années, comme si la ménopause était un facteur protecteur. L’indice de masse corporelle (IMC) au moment du diagnostic semble aussi jouer un rôle : ce sont les femmes les plus minces qui prennent le plus de poids. Inversement, celles qui étaient obèses sont celles qui en prennent le moins. Il ne faut toutefois pas édicter de grandes règles, ce sont ici des indications, des tendances. Les variations de poids restent fonction de chaque personne.
La prise de poids détériore-t-elle le pronostic du cancer ?
Dr David Elia : Il semblerait que oui, si l’on compare le risque de décès par cancer du sein. Selon une étude américaine, un poids stable, ou une diminution du poids, n’a pas d’influence. En revanche, une augmentation importante de l’IMC accroît le risque de décès.
Comment expliquer l’influence du poids sur le pronostic du cancer du sein ?
Dr David Elia : Il est probable que cette relation s’explique par l’augmentation de la sécrétion de l’insuline, inhérente au surpoids. Un facteur de croissance nommé IGF-1 interviendrait également en stimulant les cellules malignes. Parallèlement, l’excès de tissus adipeux (graisseux) entraîne une production élevée d’estrogènes (à partir des androgènes surrenaliens), hormones stimulant la prolifération des cellules cancéreuses. Ainsi, les femmes obèses, même si elles sont ménopausées, présentent des taux d’estrogènes circulants plus élevés que les femmes sans surpoids. Nous savons que c’est un des mécanismes de l’augmentation du risque de décès et du risque de récidives.
Que peut-on faire pour conserver un poids normal ou pour ne pas grossir ?
Dr David Elia : Certaines études ont porté sur deux stratégies : diminuer la quantité de graisse quotidienne apportée par l’alimentation ou augmenter la quantité de fruits et légumes. Dans le premier cas, l’objectif était de réduire les graisses alimentaires à moins de 15% des apports quotidiens (ce qui est très contraignant : l’alimentation de la plupart d’entre nous comprend 30-35% de lipides, voire 40%). Cinq ans plus tard, le risque de récidives a diminué de 24% par rapport aux femmes qui n’ont rien changé à leur alimentation. Si l’on considère que certaines femmes ont des récepteurs dits hormonaux positifs (la majorité des femmes, 80-90%) et d’autres des récepteurs hormonaux négatifs, les choses se compliquent : les premières ont une réduction du risque de récidives de 15% (ce qui est très peu par rapport à la sévérité du régime) et les secondes de 42%. Autrement dit, le bénéfice d’une réduction des graisses alimentaires est important pour une minorité de femmes et modeste pour la majorité, sans que l’on comprenne pourquoi. Le second protocole comprenait deux groupes : un premier groupe de femmes était assigné à suivre un régime alimentaire comprenant 5 fruits et légumes par jour, 30% maximum de graisses et 20g de fibres. Dans le deuxième, les femmes ont un régime encore plus contraignant avec 5 portions par jour de légumes, 3 portions de fruits, 1 jus de fruits, 15 à 20% de graisses et 30% de fibres. Les femmes qui adhèrent parfaitement au premier régime et qui pratiquent une activité physique ont une diminution de moitié du risque de récidives par rapport aux femmes ayant continué à manger normalement. Le second régime n’apporte pas de bénéfice supplémentaire, d’autant plus qu’après 7 ans, l’adhésion aux recommandations est très médiocre. Autrement dit, inutile d’imposer un régime très sévère, lequel risque de ne pas être suivi. Augmenter sa consommation de fruits et légumes à 5 portions par jour et réduire ses apports en graisses à 30% est largement suffisant pour en retirer un avantage. On retrouve cette même notion avec l’activité physique : elle est bénéfique à dose modérée, tandis qu’une pratique très intense n’a pas beaucoup d’intérêt supplémentaire, à moins d’avoir une obésité importante.
Quelles sont les recommandations actuelles ?
Dr David Elia : L’American Society of Clinical Oncology (ASCO) a formulé les recommandations suivantes :
En cas d’IMC normal : veiller à maintenir son poids.
En cas d’IMC compris entre 25 et 30 (surpoids) : perdre du poids de facon modérée (3 à 5 kg).
En cas d’obésité (IMC supérieur à 30) : perdre du poids en se fixant l’objectif raisonnable de 10% du poids du corps. Pour cela, réduire les apports journaliers globaux, réduire la part des graisses à 20% et pratiquer une activité physique régulière (3 à 5 heures de sport par semaine).
On retiendra que la chimiothérapie tend à faire prendre du poids, qu’il est bénéfique de veiller à contrer ce phénomène, sans pour autant devoir adhérer à un régime drastique.
* Le Dr David Elia est gynécologue, rédacteur en chef du magazine GENESIS, leader de la presse gynécologique, publie régulièrement dans les revues scientifiques et est l’auteur de plus de 35 livres grand public. Il a également créé un site internet à destination des femmes : www.docteurdavidelia.com.
Recommandations de la fondation contre le cancer
Prise de poids non souhaitée
Ce sont surtout certaines hormonothérapies qui peuvent entraîner une prise de poids involontaire. La cause réside probablement dans la combinaison de modifications hormonales
(baisse du métabolisme), avec un regain d’appétit et une activité physique réduite. Cette conjugaison de facteurs peut rapidement se traduire par des kilos supplémentaires. Etant donné qu’une hormonothérapie doit parfois être suivie pendant plusieurs années, il convient d’intervenir sans trop attendre.
A noter qu’une prise de poids peut également s’observer chez des patients qui suivent une chimiothérapie. Ici aussi, plusieurs facteurs peuvent jouer un rôle. Bien entendu, ceci ne signifie pas que toute personne qui suit une hormonothérapie ou une chimiothérapie sera confrontée à une prise de poids involontaire. Dans bien des cas de chimiothérapie par exemple, on observe, au contraire, une diminution du poids.
Il est très important que vous évoquiez ce problème avec votre médecin traitant ou avec un.e diététicien.ne. Ne commencez pas un régime amaigrissant de votre propre initiative. On vous conseillera probablement d’attendre la fin du traitement avant d’entamer un tel régime. Entre-temps, priorité sera donnée à freiner ou à arrêter la prise de poids.
Pour plus d’informations sur l’alimentation en cas de cancer, consultez la rubrique ‘Alimentation et recettes ‘